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Masculinité, sortir de la prison dorée
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Masculinité, sortir de la prison dorée 

Dominante, oppressive, toxique, positive, queer ou dissidente, la masculinité est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Discutée, questionnée, disséquée dans les médias, les arts, la pop culture, la philosophie ou la sociologie, elle est devenue un réel sujet de société. Et ce n’est pas trop tôt.

Certes le sujet n’est pas nouveau, mais il est indéniable qu’il suscite depuis quelques années un regain d’intérêt, comme si après MeToo et le mouvement de libération de la parole des femmes qui a suivi, le monde avait décidé de regarder de l’autre côté du balancier vers la source du problème : les hommes.

Car l’ampleur des violences faites aux femmes marocaines ne faiblit pas comme le montre l’enquête nationale de 2019 sur la violence à l’encontre des femmes du Haut-Commissariat au Plan : 57% des filles et femmes rapportent être victimes de violences en tout genre et 14% de violences sexuelles. Des violences perpétrées principalement par les hommes. Le besoin de questionner la masculinité soit « l’ensemble des comportements considérés comme caractéristiques du sexe masculin » est alors clair.

Mais quels sont ces comportements ? Comme le laisse entendre cette définition, rien ne définit la masculinité en dehors d’un contexte donné, de critères qui lui sont apposés selon les pays, les époques, les groupes sociaux. Une simple construction sociale, qu’il suffit de déconstruire, et reconstruire n’est-ce pas ?

Pourtant, force est de constater qu’à la masculinité ont généralement été apposé une série de caractères biologiques perçus comme immuables et uniformes qui prennent souvent la forme de commandements : la masculinité ça n’est pas ce que sont les hommes mais ce qu’ils doivent être.

Force est de constater aussi que dans nos sociétés patriarcales ces critères se confondent souvent à la virilité et ressemblent à un mode d’emploi de la domination des hommes sur les autres genres sociaux. Être un homme, un vrai, c’est être plus puissant, prendre plus de place, parler plus fort, posséder. Des richesses, un nom, une famille. Dans cette catégorisation, femmes, personnes non binaires, enfants, personnes en situation de handicap, hommes racisés dont la masculinité est considérée comme trop ou pas assez virile, etc. sont placés en position d’infériorité, avec en bas de la pyramide les personnes à l’intersection de ces positions.

En réalité, la masculinité dominante est un club très privé. Une prison dorée qui même si elle est confortable pour les hommes les enferme aussi. Une prison qui inhibe la sensibilité, empêche l’acceptation des failles et entrave le développement de rapports intimes profonds, sincères et égalitaires avec les femmes. Si certains hommes s’accommodent ou profitent de cette position, beaucoup d’autres ne se retrouvent pas dans cette masculinité uniforme et enfermante et voudraient eux aussi en briser les cloisons. Certains le font.

Trop souvent, le féminisme est perçu comme la haine des hommes. Cela serait logique me direz-vous. Mais en réalité ce que les féministes demandent, ce sont des hommes qui refusent d’écraser parce que leur force physique le leur permet ou parce que la société les y autorise. Qui écoutent. Qui assument leurs responsabilités de manière égalitaire au sein de leurs foyers. Qui prennent soin. Qui ne se complaisent pas dans un rôle de protecteurs infantilisant pour les femmes, mais choisissent plutôt d’utiliser leur position pour lutter contre toutes les inégalités et faire bouger les lignes. Même si cela signifie de renoncer à leurs propres privilèges. Voilà la forme de courage qui devrait être associé à la masculinité.

En réalité il y a autant de masculinités qu’il n’y a d’hommes et la masculinité pourrait demain être associée à la liberté, la bienveillance, la sensibilité, le courage, l’honnêteté, le soin des autres, l’intelligence émotionnelle… Comme la féminité d’ailleurs.

Si nous avons créé la plateforme Machi Rojola, c’est pour donner la place à la multiplicité de ces expressions de genre. Parce que la binarité de la masculinité et de la féminité normatives avec laquelle on nous assomme n’existe pas. Parce que l’expression du genre au Maroc est riche et multiple et l’a toujours été. Parce que tou.te.s les Marocain.e.s ont le droit d’exister, même ceux.lles qui ne s’y conforment pas. 

Alors sortons des injonctions et des carcans artificiels, ouvrons le champ des possibles et laissons d’autres masculinités exister, en refusant toujours que masculinité ne rime avec oppression. Et en espérant, un jour, une société dans laquelle la binarité n’existerait plus et où chacun pourrait s’exprimer et grandir comme il l’entend.

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