Elles sont délicieuses, fragiles, belles, timides, respectueuses, délicates…
Elles sont instables, hystériques, faibles, perfides, jalouses, envieuses, elles manquent de cerveau (Na9issatou 3a9l)
Qu’il soit gentleman ou goujat, l’homme ne manquera jamais d’épithètes pour tenter de domestiquer les femmes.
Un bonbon précieux qu’il faut envelopper dans de multiples couches de voiles pour la préserver, dira le gentil barbu, une friandise qu’il faut exhiber, déshabiller, pour attirer les consommateurs, dira le méchant marketteur. Une muse qu’il faut sublimer, dira l’artiste exalté! Une terre qu’il faut labourer dira le paysan farouche. C’est une mère qu’il faut respecter, conclura le fils prodige !
La femme est une épouse, une mère, une concubine, une coiffeuse, une esthéticienne… une péripatéticienne…
L’homme, quant à lui, est un guerrier, un maitre des céans, un prophète, un leader, docteur, un directeur… un tyran !
La femme peut être, des fois, des choses assez improbables. C’est une fraise (Touta), un artichaut (sic !) (9o9a), c’est une balle (9artassa), c’est un poussin (katkouta), mais c’est aussi, un coup franc (Koufra), une truie (haloufa), un accident (ksida)…
Qu’il soit gentleman ou goujat, l’homme ne manquera jamais d’épithètes pour tenter de domestiquer les femmes.
La femme veut-elle, essaye-telle de s’élever contre ce diktat ? Elle est aussitôt sujette au mépris, à l’agressivité, ou pire à l’agression. Objectif : réduire la femme au silence. Il reste intolérable pour beaucoup, aujourd’hui, qu’une femme parle, s’affirme, dise ce qu’elle pense. Car dans notre culture, comme dans beaucoup d’autres, sa parole est censée être abondante certes (bavardage, ragots, verbiage), mais superficielle, creuse et inutile. Celle de l’homme en revanche est l’emblème du pouvoir (politique, religieux économique…). Toute femme qui aura la prétention d’occuper cette place serait «suspecte». Cette «silencialisation» qui efface les femmes du tableau, les fait taire, les enferment dans leur identité sexuelle et procréatrice est présente toutes les sociétés, tous les milieux à des degrés divers. Dans le milieu de l’art, censé être plus propice à l’ouverture, les femmes sont quasiment « invisibilisées » en tant que créatrice et surexposées en tant que modèle. Au MoMA de New-York, 4% seulement des femmes artistes sont exposées quand 75% des nus y représentent des femmes. Dans le monde de la science, l’effet Mathilda fait des ravages. Les femmes sont simplement spoliées de leurs travaux et découvertes. Mileva Maric n’était pas seulement la compagne d’Einsten. La communauté scientifique n’a pas reconnu à Marthe Gautier, la découverte de la trisomie 21. Paulette Nardal, première femme noire à étudier à la Sorbonne, et fondatrice de la « Négritude » est beaucoup moins connue que Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, ou Léon-Gontran Damas. L’Italienne Trotula de Salerne, cette chirurgienne qui écrivit plusieurs ouvrages traitant principalement de la santé des femmes dans le moyen âge, a été longtemps considérée par les historiens comme « homme ». L’art, la politique, la littérature, la recherche, la science et l’histoire sont autant de domaines où la femme est invisibilisée quand l’homme ne s’accapare tout simplement pas la pensée intellectuelle de femmes. Oh, il y a bien eu Simone de Beauvoir, aux racines du féminisme, Rosa Park, bravant les interdits, Dihya la farouche reine guerrière amazigh ou plus récemment Amina Wadud, dirigeant la prière et livrant le prêche du vendredi, à New York, pour la première fois dans l’histoire de l’islam. Mais au prix de combien d’effort, de lutte et de transgression ?
Une fois ce constat fait, un grand doute me submerge. Suis-je entrain d’écrire un texte «féministe» ? Ne suis-je pas justement entrain de spolier, encore une fois, la parole des femmes? Voilà que je me surprends, moi homme Cisgenre, en flagrant délit de mansplaining. Cette fâcheuse tendance que nous avons, nous les hommes, à vouloir expliquer, souvent d’un ton condescendant, à une femme un sujet qu’elle connait déjà et qu’elle maitrise probablement mieux que nous.
Que faire ? Il est vrai que le simple fait d’être né «homme», dans notre société, nous donnent suffisamment de privilèges pour nous placer au sommet de l’ordre social. Cette seule situation semble, en revanche, m’interdire le féminisme. «Seules les femmes peuvent se dire féministes » pensent un grand nombre de militantes. Les femmes étant victimes d’oppression et de sexisme, elles seraient les seules à concevoir véritablement les enjeux de leur lutte et aucun homme ne saurait rien y comprendre. Mes différentes lectures et recherches me proposent alors de me contenter alors de statut d’ «allier». Soit ! Je m’incline, accepte, me rétracte, réfléchi… Il me semble que mon engagement pour l’égalité homme-femme est sincère. Peux-t-on exiger de moi la nécessité d’être exposé à une discrimination pour prétendre me revendiquer d’un mouvement visant à la faire disparaître ? Dans ce cas mon féminisme sera imparfait, mais il sera ! Il ne demande qu’à être développé, approfondi, enrichi et accepté.
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