- Hicham Tahir, est ce que vous en voulez à la masculinité?
- Je n’en veux pas à la masculinité, c’est juste un terme que je n’ai jamais pu comprendre. Pour nous c’est l’homme qui part travailler, l’homme est dur, etc, et la femme est faible. Moi j’ai grandi avec ma mère, ma grand-mère et mes tantes, et ma mère par exemple, elle allait travailler et s’occupait de nous à son retour. Donc pour moi, j’ai eu un grand respect envers la femme, et je trouvais que l’homme recevais son titre sans mérite. Pour ma part, mon entourage était féminin, il n’y avait que des femmes, donc pour moi je n’ai jamais compris pourquoi l’homme avait tant de respect, alors que dans notre société, c’est la femme qui accomplit la plupart des tâches. La masculinité est un concept qui est facile, c’est une identité de genre qui ne concerne que la personne qui s’y identifie. Si une personne se présente en tant qu’homme, personne n’a le droit de questionner sa masculinité. Je ne vais pas me positionner dans une échelle de masculinité, je me positionne dans une échelle d’être humain face à un autre être humain. Certes je m’identifie en tant qu’ homme, mais sans échelle. Pour moi, la masculinité est un terme qu’on ne peut pas définir avec le sexe biologique. Le concept de masculinité est un concept visuel, on peut le comparer à l’assiette Taous qui ne sert à rien, qu’on ne sort jamais de la vitrine, sauf pour le laver, il est toujours dans la vitrine pour montrer qu’on a une assiette Taous. C’est pareil pour la masculinité, elle est là pour se montrer, mais au fond elle ne sert à rien. A mon avis, on vit la masculinité toxique dès notre naissance, le garçon doit par exemple porter des couleurs stéréotypées attributs aux garçons, et de même pour la fille qui doit porter un certain type de vêtements, c’est comme si on assumait que si le garçon porte un pull rose, cela va impacter son identité. Quand on grandit un peu, encore on nous interdit de jouer avec les filles, car si on joue avec les filles cela va encore nous impacter. Donc pour nous, la masculinité, ou chaque personne qui croit que le fait d’être un homme est un exploit, c’est un principe que nous vivons dans le Maroc et dans les sociétés en général, la masculinité est considérée comme un cadeau qui vous est donné, et à partir de ce constat, même si elle ne sert concrètement à rien, vous assumez que la femme doit faire 10000 effort pour vous atteindre. Quand on demande aux garçons de ne pas jouer avec les filles, alors que à cet âge là, il devaient les voir comme des personnes du même âge avec lesquelles il pourrait y avoir un apprentissage mutuel. Surtout que qu’un petit garçon ne prête pas encore attention à l’identité de genre, il ne s’occupe que de avec qui il va rire, avec qui il va s’amuser, et cet amusement et ces jeux d’enfance sont très importants car ils contribuent au forgement de la personnalité des personnes. Quand on grandit un peu et qu’on va à l’école, on nous dit de ne pas pleurer, il y avait même des matières qui étaient consacrées aux filles seulement comme l’éducation familiale, comme si les garçons n’étaient pas concernés par ce sujet et que seules les femmes devaient éduquer au sein de la famille, que seules les femmes doivent préparer à manger, coudre quelque chose si on en a besoin…comme si l’homme n’avait pas besoin de toutes ces choses. Donc on fait une rupture entre l’homme et la femme, où l’homme est toujours gagnant, c’est comme cela qu’on a grandit. Et après on retrouve des emplois attribués aux hommes et d’autres aux femmes. Mais les hommes peuvent bien exercer tous les emplois attribués aux femmes, tandis que l’inverse est impossible. C’est ici qu’on voit une position de force dont on ne comprend pas la cause ou la source. La masculinité positive, c’est l’homme qui ne se voit pas face à une identité de genre, mais face à un être humain qui a les mêmes droits et les mêmes obligations. C’est un homme qui sait que la société lui a donné tant de privilèges, mais qui n’use pas de ce pouvoir pour lui même, mais plutôt pour lutter pour les droits des autres qui n’ont pas les mêmes chances qui lui ont été données et pour aider les autres pour que tout le monde soit dans la même échelle. J’ai grandi dans un quartier où il y a une virilité exagérée, mais où il y a aussi des personnes qui ne sont pas du tout viriles. Cela m’a poussé à me poser la question: quelle est la différence entre un homme virile et un homme efféminé? Nous vivons dans une société qui a peur d’aller chez le psychiatre, une société qui a peur de s’exprimer…L’écriture m’a sauvé, elle m’a donné la possibilité d’exprimer toutes les frustrations que je sentais au sein de moi-même. Je pense que soit l’écriture, soit le chant ou n’importe quelle chose qui nous donne le droit de nous exprimer, doit être très encouragée. Il faut que chaque personne ait une manière de s’exprimer. Je pense que si on nous donne le droit de nous exprimer on sera des personnes beaucoup plus utiles à la société, et on pourra donner l’exemple pour se remettre en question et pour qu’elles deviennent aussi utiles. Nous devons aussi donner une visibilité aux personnes qui n’adhèrent pas au moule de la masculinité car ces personnes font partie de la société, nous vivons tous au Maroc, nous avons tous des rêves et des ambitions. Personne n’a le droit de priver n’importe quelle personne d’une vie saine à laquelle on aspire tous. A mon avis, l’éducation est la chose la plus importante, nous devons donner le droit à l’éducation à tout le monde. Tout le monde doit être conscient du fait qu’on ne doit pas dépasser sa liberté, et que si on touche la liberté des autres personnes dans la société on va être puni. Il faut à la fois apprendre aux gens le respect, l’amour de soi, car c’est un grand problème chez nous, nous n’avons jamais appris à nous aimer nous même, nous avons juste appris que les gens ne doivent pas dire quelque chose de négatif à propos de nous. Donc tout ce que nous faisons, nous le faisons pour le regard de la société. Si nous avions appris à vivre pour nous-mêmes, à nous aimer, nous serions aptes à avancer. Mais cet avancement est difficile à atteindre, il faut attendre des générations, et il nous faut une bonne éducation, nous n’avons pas encore commencé l’éducation que nous devions commencer il y a 60 ans. Mais il n’est jamais trop tard, le plutôt, le mieux ça sera. Et pour ne pas être pessimiste, même si on voit beaucoup de masculinité toxique dans notre société, il existe aussi un nombre de masculinités qui commencent à être visibles, qui commencent à parler, à s’exprimer, il y a aussi beaucoup de féminisme et de conscience qui se propage, cela nous pousse à dire que nous ne sommes plus satisfaits ces choses qui nous ont été imposées car a+b=c, nous aspirons à d’autres trucs, nous aspirons à une égalité, même si les personnes qui osent parler sont très minoritaires, cela reste comme même quelque chose de positif que nous devons pas ignorer. Nous devons encourager les gens qui parlent et éduquer les autres qui ont encore une vision régressive de la société. La personne que je vais traiter de Machi Rojola c’est celle qui se considère comme Rojola, qui interdit la femme d’accéder à ces droits. Il ne doit pas voir que lui même a une mère, une soeur, etc, mais il doit être capable de voir qu’on n’a pas besoin de se référer à sa mère ou à sa soeur pour respecter la femme. Et l’homme qui considère qu’il a atteint une supériorité au sein de la société juste parce qu”il a un sexe biologique que la société a considéré comme maculin, et qu’il a le droit d’opprimer les femmes, les minorités, les personnes queer, cet homme là est Machi Rojola.
L'équipe
Machi Rojola est la première plateforme 100% marocaine qui promeut les masculinités positives.
Initiée par le collectif ELLILE, Machi Rojola vise à travers un prisme féministe, à repenser la masculinité dans une société patriarcale.
La plateforme qui n’est pas destinée à diaboliser les hommes, mais plutôt à mettre en évidence les effets nocifs et socialement destructeurs de certains idéaux traditionnels des comportements masculins tels que la domination masculine, l'homophobie, la misogynie, le harcèlement, l’autosuffisance... par la promotion et la défense des masculinités positives et plurielles.
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